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2 ans

  • Photo du rédacteur: Johanna Zazoun
    Johanna Zazoun
  • 21 janv. 2021
  • 4 min de lecture

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Depuis le 21 janvier 2019 je suis orpheline de mère, orpheline d’une partie de mon passé, de mon présent et de mon futur. Elle n’est plus là pour me raconter l’enfant que j’étais. Plus là pour voir l’adulte que je suis devenue. Plus là pour voir celle que je deviens au jour le jour.


Ces deux dernières années beaucoup de choses se sont passées, des bonnes et des moins bonnes. J'ai écrit à plusieurs reprises ce que je ressentais afin, à mon niveau, d'essayer d’expliquer qu’il n’y a pas de quoi avoir peur face à une personne endeuillée. Aujourd’hui et alors que cela fait 2 ans que ma mère est décédée, j'aimerais mettre en lumière un autre problème. Le manque de compréhension envers l’autre. Quelques heures après la mort de ma mère on m'a dit "elle est mieux là haut elle ne souffre plus" !? Et depuis on me parle beaucoup de “là haut”, comme si c’était une évidence. Pourtant ça ne l’est pas. En tout cas pas pour moi. Mon manque de foi religieuse n’est pas vraiment un secret, du moins pour ceux prenant la peine de me connaitre vraiment. Mon discours a changé pendant cette dernière décennie, de même que mes croyances et certitudes. Il suffit de me poser la question et je vous réponds en toute honnêteté. Est ce que je crois en Dieu? Non. Est ce que je crois en un “en haut”? Non. Est ce que je me sens proche d’une quelconque religion? Non. Alors en quoi je crois? Je crois en la bonté humaine, je crois que nous sommes le fruit des générations qui nous ont précédées et de nos propres expériences, je crois que si on fait le bien on se sent bien, que si on fait le mal on se sent mal et que si on est un tant soit peu bien éduqué on se sentira coupable. Je crois que lorsqu’on meurt notre corps nourrit la terre, notre souffle de vie disparaît, notre âme accompagne tous ceux qui nous ont côtoyé et qui continuent de penser à nous et de transmettre notre héritage. Ce discours peut paraître simpliste mais c’est le mien malheureusement il ne plaît pas forcément surtout dans notre communauté. On préfère soit fermer les yeux et ne pas poser de questions afin de tasser les choses et d’éviter les conflits, soit au contraire tenter de convaincre et de forcer un “retour à la Vérité”. Seulement réfléchissez-y, pour vous cela part d’un bon sentiment mais cela n’a strictement aucun effet sur moi vu que je ne suis pas croyante. Je ne trouve aucun réconfort dans vos paroles. Imaginez vous à ma place, que ressentiriez vous si on venait vous dire “ta mère a vécu une bonne vie elle aura une réincarnation positive”?


C'est moi qui ai dû adapter mon discours ces deux dernières années en fonction de la personne en face, ce sont les fameuses conventions sociales, celles qu’on se sent obligé de respecter. Quand vous me dites “elle te regarde d’en haut” cela sonne aussi creux que lorsque vous me dites “il fait un temps de chien” (et pourtant j’adore parler de la météo). Moi je dois adopter votre discours, votre vocabulaire mais vous, vous ne pouvez pas admettre que je n'y crois pas. C’est dommage, cela fausse nos relations et surtout nous éloigne. Je rentre dans le jeu des personnes qui me sont chères en me disant qu’à leur âge on ne peut pas les changer mais pour les autres je ne fais pas cet effort. Alors comment s’adresser à une personne endeuillée? Tout simplement en faisant écho à ses pensées, on peut parler du défunt, on peut tenter d’absorber les paroles et sentiments de la personne en face de nous afin de comprendre comment lui montrer notre empathie.


Ma mère est morte depuis deux ans et avec elle tous les rêves et fantasmes que j’ai pu avoir pour ma famille et ma relation avec elle. Et depuis deux ans les personnes qui me font le plus de bien sont celles qui n’ont pas fait un tabou de ma mère, celles qui parfois m’appellent pour me raconter un souvenir qui leur est revenu, celles qui ne rentrent pas dans le jeu des politesses et convenances. Sachez que la phrase “ta mère aurait aimé que tu fasses ça” alors que je suis sur la moto de Jérémie montre à quel point vous ne la connaissiez pas et du coup vos paroles m’indiffèrent plutôt qu’autre chose, si ma mère me voyait sur la moto de Jérémie elle me dirait “descends tout de suite ou j’apporte le marteau et je casse tout”. Soyez honnête, soyez francs, parlez avec votre cœur et ne me dites pas ce que vous pensez que je souhaiterais entendre. Ma mère n’aurait pas aimé mes cheveux courts, elle m’aurait dit “non là c’est trop court ma fille, ton père va te tuer” et par la même occasion m’aurait rappelé le jour où elle m’a coupé les cheveux sans son accord et où les valises de mon père l’attendaient dans l’entrée (on aime le drame chez nous). Plutôt que de me dire “elle te regarde d’en haut” utilisez le conditionnel et parlez moi de valeurs sûres telles que son amour pour la famille, sa fierté des valeurs que nous transmettons à nos enfants, son sionisme, son franc parler, sa générosité de coeur etc..


Il n’y a pas de soulagement à la douleur, elle est ancrée profondément en nous, elle est devenue plus intime. On a le droit de la brandir à quelques occasions comme son jour d’anniversaire ou le jour anniversaire de sa mort car on est censé être passé à autre chose, vous savez la vie continue, le soleil brille, on a une famille donc faut avancer… toutes ces sympathiques phrases qu’on a pu nous dire lorsqu’on avait les yeux un peu trop larmoyants. Seulement vous savez le deuil ne suit pas une ligne de temps linéaire alors pensez également à poser des questions de temps en temps, de celles qui appellent à une vraie réponse et pas un laconique “tout va bien”.


21 janvier 2021 non tout ne va pas bien. Ma mère me manque. Et mon cœur de mère se brise à chaque fois que ma Tael vient me voir en pleurant en me disant que Babou lui manque. On vit, on sourit mais parfois on pleure en plein milieu d’une phrase, en coupant des légumes, en prenant sa douche, en voyant les 6 petits enfants jouer ensemble.




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