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7 octobre, shabbat noir

  • Photo du rédacteur: Johanna Zazoun
    Johanna Zazoun
  • 18 oct. 2023
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 27 mai


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A 6h29 ce fameux samedi 7 octobre j'ai entendu des explosions, des explosions tellement fortes que ça m'a réveillée. Alors que je m'approche de la fenêtre pour tenter de comprendre ce qui se passe les sirènes se mettent à hurler, je réveille alors mon mari et me rue vers la chambre de Mila. Heureusement les trois autres se sont vite levés. On va tous dans le mamad, cette fameuse pièce blindée qui doit nous protéger de tirs de missiles. Et là je regarde mon mari, le sentiment qui domine? Incompréhension. Que se passe t-il? Pourquoi maintenant? Et puis la stupeur prend le pas quand on voit la longue liste des villes touchées. On commence à parler à nos familles, nos amis. On tente de se rassurer, de comprendre, on émet des hypothèses. Une fois le calme revenu on laisse les enfants jouer et on s'installe devant les informations. Et là c'est le choc.



Alors que les présentateurs eux mêmes tentent d'analyser la situation et que tombent au compte goutte des informations c'est la peur qui s'installe puis plus que la peur c’est la terreur pure et dure. Je me sens glacée, je vois des terroristes qui se baladent en toute impunité et qui n’ont qu’une seule volonté, assassiner. Je vois des parachutes, des motos, il y a même des jeeps de notre propre armée entre leurs mains! C’est un film de guerre et même si on a peur on ne peut pas arrêter avant la fin car ce film c’est notre nouvelle réalité. Les présentateurs des informations eux mêmes ont les larmes aux yeux lorsqu’on entend des habitants chuchoter au téléphone que les terroristes sont chez eux, les appels au secours me déchirent le cœur et la colère commence à gronder en moi. Où est l’armée? Où est la police au moins? Et le gouvernement? Par mesure de précaution on barricade comme on peut la maison, on cache un couteau suisse dans notre mamad et entre deux alertes Jérémie va chercher la hache, une hache oui. On en est là. Je tremble de peur, que peut une hache face à un terroriste armé? L’incertitude n’arrange rien, on parle de dizaines puis de centaines de terroristes infiltrés. Infiltrés, ça veut dire qu’ils sont chez nous, qu’ils déambulent dans nos rues, qu’ils entrent de force dans nos maisons, ça veut dire que nous sommes en danger, que nos enfants sont en danger. Pourtant alors que nous sommes dans ce mamad avec des armes blanches à côté de nous et la sueur froide qui nous coule dans le dos nous sommes obligés de plaquer un sourire sur nos visages, de stabiliser nos voix afin qu’elles arrêtent de trembler et dire ou plutôt mentir aux enfants “tout va bien, tout est sous contrôle”.



Les heures passent, les nouvelles sont de pire en pire, on parle de kidnappings de soldats, de civils, on ne veut pas y croire pourtant les vidéos commencent à tourner. Je me sens abasourdie, j’ai l’impression d’être dans la 4e dimension. Cette nuit là sera une nuit blanche. Les suivantes ne valent guère mieux. Les jours passent et je ressens un torrent d’émotions difficile à contenir. Tous les sentiments se bousculent. Je ressens de l’horreur, de la peine, une tristesse comme jamais je n’ai ressenti, une tristesse différente de celle ressentie à la mort de ma mère, je me sens également soulagée qu’on soit en (relative) sécurité mais je ressens une colère énorme, une fureur intense contre mon gouvernement. Contre des gens qui n’ont jamais su trouver une solution durable aux habitants du sud, des gens qui leur font croire que leurs vies ne valent pas autant que ceux du centre. De la fureur intense contre ceux n’ayant même pas la décence d’accourir pour venir soutenir tout le Otef Aza. Cependant rien n’est comparable avec la haine que je ressens contre tous ces terroristes. Alors qu’avec mon mari nous enchaînons les conversations irréelles sur la meilleure façon de devenir plus survivalistes à la fin de la guerre ou de comment tuer un terroriste je me dis “mais où en sommes nous? Nous devrions être en train de faire le point sur les vêtements qui manquent pour la bar mitsvah d’Eitan”. Je rigole avec Jérémie “oui tu me l’as déjà dit je dois donner des coups de couteaux sans m’arrêter même si je pense qu’il est mort”. Je rigole et lui dis que je ne tiendrais pas 2 secondes face à un terroriste mais en vrai je le sais, chaque parent le sait, on peut tenir car on n’a pas le choix. Il faut tuer pour protéger nos enfants. Et qu’est ce que j’ai la haine contre ces barbares me forçant à imaginer les pires scénarios afin d’être à même en cas de danger de réagir au quart de tour. La haine!



Les jours passent et la résistance s’organise. Les soldats partent, les volontaires aident, les enfants serrent les dents et on tente de vivre malgré tout. Tout le monde y met du sien car c’est ce qui fait notre force, ce qui nous aide à gagner n’importe quelle guerre. On est ensemble, on est solidaire, plus de question de religion, de politique, plus rien d’autre que chaque citoyen se battant aux côtés de son voisin. On est tous des (com)battants en Israël. J’ai vécu plusieurs guerres et ce que je dis toujours est que deux choses sont inhérentes à ce pays que j’aime tant: l’humour et la solidarité. Alors c’est ce que je fais, ce qu’on fait tous depuis ce 7 octobre. Je parle à mes amies tous les jours, quand l’une ne va pas bien l’autre lui apporte un sourire, on se raconte des blagues, on s’apporte de l’espoir comme chaque citoyen ici fait avec son prochain et jour après jour le fil de toute cette solidarité se solidifie et fera partie des éléments clés de la reconstruction de notre beau pays mais surtout du sud. Ce magnifique sud que des terroristes ont tenté d'éradiquer.



C'est pour tout ça que je me sens tellement triste à l'idée de partir. Comme chaque israélien je me sens véritablement mal quand je ne suis pas dans le pays quand il traverse une crise. Alors une guerre de cette ampleur n'en parlons pas. J'ai le mais en même temps il n'y a plus le choix. Je vais bientôt monter dans l'avion pour Marseille, le premier vol disponible que j'ai pu trouver. La décision n'a pas été facile à prendre mais les enfants ne vont pas bien. Quand on a dû annoncer à Tael que la famille d'un de ses amis de classe a été kidnappée j'ai vu de la terreur dans ses yeux et ça m'a brisé le coeur de ne pas pas pouvoir la protéger de ça. Déjà qu'elle dormait mal depuis le début de la guerre là ça s'est empiré sans compter les multiples maux de ventre depuis la fameuse annonce. Adam ne veut plus aller nulle part seul, pas même aux toilettes, pas un jour ne passe sans qu'il ne chouine "j'aime pas la guerre". Lia est forte mais on voit qu'elle aussi a peur, le nombre de peluches autour d'elle a augmenté au fur et mesure des jours qui passent. Heureusement Mila ne comprend pas la situation. Les enfants ont pleuré quand on leur a dit qu'on partait mais ils sont surtout soulagés, ils sont plus détendus. Leur tranquillité mentale est aussi importante que leur sécurité physique. Un mamad protège des missiles mais contre la peur? L'angoisse? L'incompréhension? L'amour des parents devrait suffire mais parfois comme dans le cas de cette guerre c'est différent. En tout cas mes enfants, qui malheureusement ont déjà vécu plusieurs fois des opérations militaires/guerres vivent celle ci différemment.



Ça laisse un goût amer dans la bouche car en 16 ans je n'ai jamais tourné la tête devant une guerre mais là il y a 4 enfants dans l'équation. Être maman c'est faire passer le bien être de ses enfants avant son ressenti. Le plus dur est de fermer la maison sans savoir quand nous allons la revoir mais nous sommes ensemble et en sécurité, bien plus que pour beaucoup d'entre nous en Israël. Je sèche donc mes larmes et je laisse la tristesse partir au profit du soulagement. Ça m'a semblé égoïste d'éprouver ça à l'heure où nous dépassons les 1300 morts et plus de 200 kidnappés mais c'est somme toute un sentiment humain alors je me rassure en me disant que ce n'est pas égoïste ou insensible mais seulement terriblement humain. Nous avons un très long voyage qui nous attend pour rejoindre Paris où l'appartement de mes beaux parents va nous accueillir pour la troisième fois cette année. Nous y serons quelques jours, quelques semaines, quelques mois.. qui sait?



Je dois partir pour eux, mes 4 magnifiques enfants et je reviendrais pour nous. Notre vie c'est Israël. Notre famille et nos amis sont ici ainsi que notre foyer, notre בית האושר. Nous reviendrons quand les temps seront plus calmes, nous reviendrons forts de tout notre amour pour notre pays et nous aiderons à le reconstruire.

עם ישראל חי



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