Merci la France
- Johanna Zazoun
- 4 déc. 2023
- 5 min de lecture

Au revoir et merci la France on rentre à la maison.
Plus de 5 semaines ont passé depuis que nous avons quitté Israël et voilà on est enfin en chemin pour rentrer. Quand on a pris les billets notre seule volonté était de donner un sentiment de sécurité aux enfants. De ce sentiment a découlé des sourires, la fin des cauchemars, des nuits blanches et des maux de ventre. Alors si c'était à refaire on le referait sans hésiter car le bien être mental est aussi important que le bien être physique.
Au début on était angoissé concernant le climat sécuritaire, on a demandé aux enfants de ne pas dire un mot en hébreu et de faire attentivement et sans discuter ce qu’on leur disait si nous même nous mettions à leur donner des ordres en hébreu subitement. Le lendemain de notre arrivée, on a frappé à notre porte. J'étais encore toute chamboulée par la guerre, crevée de ce long voyage de 18h, pas d'œil de bœuf pour vérifier l'identité, personne ne répond quand je demande qui est là je décide donc de ne pas ouvrir. La personne insiste et sonne. Je prends mon courage à deux mains, ouvre et vois une femme que je ne connais ni d'Adam ni d'Ève et qui se présente comme la voisine d'en face. Pensant que les enfants avaient fait trop de bruit je m'excuse et elle m'arrête tout de suite en me disant que si elle est là c'est pour me proposer son appartement! Elle était horrifiée de ce qui se passe en Israël et avait appris par un message de mes beaux-parents que nous venions en France, sans même nous connaître elle voulait nous prêter son appartement car elle devait partir en vacances. Oui ce genre de personnes existe et vous savez quoi? J'en ai rencontré des tas pendant ces 5 semaines. Des personnes de la communauté juive ou pas (comme cette voisine) qui ont tout fait pour nous apporter un sourire aux lèvres et foi en l’être humain par des mots gentils, du soutien moral, des jeux, des livres et même des vêtements.
La solidarité est une valeur individuelle mais surtout universelle. On la retrouve partout. Qu'est ce que ça a pu m’énerver ces dernières années les "ça on trouve que chez nous". J'ai juste envie de dire "mais qu'est ce que vous en savez?" Je pourrais raconter les conversations incroyables qu'on a eu avec des gens de tous les horizons comme Aisha ou comme cette caissière à Carrefour qui m'a mis les larmes aux yeux (on aurait dû la filmer). Alors que je lui disais que non nous n'avons pas la carte fidélité car nous habitons ailleurs elle a insisté pour savoir où était ce "ailleurs". Quand je lui ai dit Israël elle s'est exclamée qu'elle était très triste de la situation, qu'elle devait venir avec son groupe de l'église pour faire un voyage spirituel et qu'elle était très déçue. On a parlé un bon moment librement devant tout le monde de ce magnifique pays qu'est Israël, elle a même noté l'adresse de notre blog de randonnées car son rêve est de pouvoir venir bientôt. Des personnes comme elle si vous saviez combien on en a croisé! Rien que de repenser à notre conversation la veille de notre départ avec le serveur de Chez Gino (notre restaurant familial préféré) qui nous connait depuis des années j’ai les larmes aux yeux.
Beaucoup me disaient "tu ne veux pas rentrer tu seras plus en sécurité ici, la France est antisémite". Il faut rectifier les choses. La notion de sécurité est étroitement liée à un sentiment et un sentiment ne se justifie pas, ni même peut se décrire. Nous nous sommes sentis en sécurité en France, à Paris et ce, pendant une guerre où les actes antisémites oui augmentent. La France n'est pas antisémite, il faut savoir utiliser les mots à bon escient car les mots tuent. Les mots quand ils sont mal utilisés peuvent appeler à la violence et tuer. La France n'est pas antisémite mais oui il y a de l'antisémitisme en France. Un antisémitisme qui au fil des années est devenu plus violent, plus meurtrier. Le nier serait immoral et injuste envers toutes les victimes. Mais de même que cela fait plus de 20 ans que je tente d'expliquer qu'Israël n'est pas un pays en guerre constante mais un pays magnifique avec une histoire mouvementée, la France n'est pas définie par l'antisémitisme. Ce pays vaut bien mieux que ça. Et Israël n'est pas défini par la guerre, ce pays vaut bien mieux que ça. Chacun quand les temps sont difficiles doit pouvoir trouver son havre de paix, celui dans lequel se réfugier pour trouver la force de se lever jour après jour et sourire à ses enfants en leur disant que tout va bien. Cette fois ci nous, nous l’avons trouvé au sein de cette France qui nous aura donc accueilli une troisième fois cette année.
Pendant ces 5 semaines on a voulu m'interviewer pour les חדשות בוקר en Israël, on voulait que je parle de l'antisémitisme en France. J'ai dit avec plaisir je témoigne mais je n'ai rien à dire à ce sujet au contraire j'aimerais expliquer à quel point je fais face à de la solidarité ou au contraire à de l'indifférence totale parce qu’il faut savoir aussi que beaucoup de gens se fichent royalement d’Israël et ses multiples conflits. Ce n’est qu’un énième gros titre aux informations qui finit par lasser. Quand j’ai voulu expliquer ça à la journaliste elle m’a dit que non, dans ce cas pas la peine. C’est soit on parle d’antisémitisme soit rien. Que c’est dommage. Et que c’est dommage également quand au sein même de la communauté francophone israélienne, dès qu’on parle de notre amour pour la France ou de combien nos enfants sont épanouis on nous renvoie dans la tête “oui mais on a qu’un seul pays, notre avenir à tous est ici pas ailleurs”. Comme si notre cœur n’était pas suffisamment grand pour aimer sincèrement deux pays. Comme s’il fallait à tout prix adoucir nos discours enthousiastes par des “mais on va rentrer car rien n’est mieux qu’Israël”. Incroyable comment certains donnent l'impression qu’il faille justifier nos décisions et prouver notre sionisme. Qu’est ce que je me suis sentie proche de mon mari pendant ces 5 semaines, mon merveilleux mari à qui je peux tout dire. Comme, j’aime Israël et j’aime la France. Comme, je veux que mes enfants grandissent en Israël mais qu’ils connaissent cette merveilleuse France où on peut parler avec des femmes voilées de la tête aux pieds même si elles savent qu’on vient d’Israël. Comme non ça me serait égal si un jour ils décident de vivre ailleurs qu’en Israël, je les élève en tant que citoyen du monde et pas autre chose. A mon merveilleux mari qui a tout fait malgré les circonstances difficiles pour permettre à nos enfants de quitter un pays en guerre, pour leur permettre de garder un peu de leur innocence je dis tout sans justification aucune et il comprend tout. Il m’a vu tout au long de ces semaines apprendre aux filles les notions de מורשת, שייכות, שורשים, זהות, מולדת.. Tout ce qui se rapporte à notre identité, nos racines, notre héritage, notre appartenance, notre patrie. Et mon mari comprend les valeurs que je leur enseigne et ça, ça n’a pas de prix. Et nos enfants, nos 4 magnifiques minis Zazoun commencent à comprendre que tout est relié aux sentiments et que rien ni personne ne devrait demander à quiconque de justifier un sentiment.
Quelques jours avant ce 7 octobre le ministère de l’intégration a publié une interview de Jérémie et moi, pour ceux qui ne comprennent pas l’hébreu je vais vous traduire une phrase que j’ai dite: Je ressens de l’appartenance שייכות à Israël mais également à la France car c’est le pays où j’ai forgé mon identité. Et ça voyez vous c’est très important de le comprendre. J’aime ces 2 pays d’un amour fort et infini, ce fameux cul entre deux chaises dont ma mère parlait.
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