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Parents à perpétuité, aimer son enfant malgré tout

  • Photo du rédacteur: Johanna Zazoun
    Johanna Zazoun
  • 10 mai 2018
  • 3 min de lecture

Alors ce livre là mérite un article entièrement dédié à son sujet !

Habitant en Israël depuis 2007 je suis totalement passée à côté de l’affaire, du coup je n’avais aucun à priori, un esprit vide de tout jugement. J’ai lu ce livre, ce témoignage et j’ai été bouleversée, choquée et admirative devant le courage des parents de Matthieu Moulinas. Pour ceux n’ayant pas suivi, ce qui se comprend ça remonte à 2010 et c’était en France voici un bref résumé. On parle de l’affaire Matthieu Moulinas du nom d’un enfant mineur à l’époque qui a violé et assassiné Agnès Mariné qui était élève dans le même établissement que lui. L’affaire a énormément fait parler d’elle, déjà pour le choc d’un tel crime, on parle tout de même d’un mineur et ensuite car Matthieu avait déjà été condamné avant cela. L’Etat français a d’ailleurs été condamné pour « négligences fautives assimilables à une faute lourde ». En effet, Matthieu avait déjà violé par le passé, Julie une voisine de son village du Gard. Il a été mis en examen à l’époque pour viol avec violences, Julie avait seulement 15 ans. Matthieu a été suivi par des experts assermentés et a été jugé réadaptable. Puis il y a eu Agnès. Elle avait 13 ans, lui presque 18. Il l’a violé sous la menace d’un couteau et a brûlé son corps. Un an plus tôt il avait déjà violé sous la menace d’une arme. Malgré tout il a été réinséré dans la société et scolarisé, comme s’il avait commis une petite faute, de celle dont on s’excuse et qu’on oublie.

Ce livre c’est le témoignage de ses parents, ceux qui l’ont élevé, lui ont donné de l’amour, transmis des valeurs et qui doivent maintenant vivre avec l’inimaginable. Loin de moi l’idée de minimiser la douleur des parents d’Agnès, ils vivent un cauchemar éveillé depuis maintenant 7 ans et devront toute leur vie vivre avec cette image de leur fille mais il y a également d’autres parents dans l’histoire. Des parents dont on aimerait penser qu’ils sont entièrement responsables du comportement de leur fils, qu’ils sont tout aussi coupables que lui, voire plus car ils sont sensés avoir la maturité nécessaire pour pouvoir entrevoir un problème chez leur fils. Que c’est facile de juger et de jeter la pierre lorsque on ne se retrouve pas dans la même situation. Au début Sophie et Dominique ont gardé le silence, certainement qu’ils avaient honte, peur, se sentaient dépassés, n’arrivaient pas à mettre de mots sur ce qu’ils ressentaient. Comment auraient ils pu ? On dit que les mots sont comme une catharsis, je pense qu’il leur aura fallu ce livre pour essayer d’y voir plus clair. Comment en effet faire pour comprendre ce qui a pu se passer ? Jusque où remonter pour tenter de trouver un semblant d'explication ? Qu’auraient ils pu dire ou faire pour que Matthieu ne devienne pas le jeune homme qui a détruit la vie de deux jeunes filles sans compter leurs familles et amis ?

Ce livre n’est pas un prétexte pour trouver des excuses à son comportement, ses actes. Ce livre n’est pas du voyeurisme. Ce livre reflète juste le désarroi et l’incompréhension totale dans lesquels baignent Sophie et Dominique. Ils essaient de faire entendre leurs petites voix, de dire que non tout n’est pas noir ou blanc. Qu’il n’y a pas toujours d’explication à l’innommable. Mais surtout leur message et il est déroutant de sincérité est que Matthieu est toujours leur fils et qu'ils continuent de l’aimer ! Ils ne peuvent pas faire de deuil, au contraire leur fils est bien vivant, devant eux et il les regarde avec le regard qu’il a toujours eu, celui d’un fils pour ses parents. Ils n'ont pas d'autre choix que de l'aimer, parents à perpétuité. Si j’ai autant été touchée par ce livre c’est que je me dis qu’aucun parent ne devrait vivre un tel calvaire. Aucun parent ne devrait enterrer son enfant. Et aucun parent ne devrait vivre avec cette culpabilité d’avoir mis au monde un meurtrier.

C’est une question qui nous hante au moins une fois dans notre vie : cesse t-on un jour d’aimer notre enfant ? Cet enfant qu’on a porté, élevé et aimé de toute notre âme devient il un étranger ? Doit on lui fermer notre cœur ? Est-ce que c’est possible ? Arrive t-on un jour à séparer l’enfant qu’on a connu du monstre qui a commis des atrocités ?

C’est un livre qui n’est vraiment pas facile à lire. Au-delà de l’histoire qu’il raconte il y a toute la projection qui s’en déroule. Et nous ? Est on suffisamment conscient que la frontière entre le bien et le mal peut être franchie peu importe l’éducation reçue ?

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