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Mes lectures sur le 7 octobre

  • Photo du rédacteur: Johanna Zazoun
    Johanna Zazoun
  • 9 août 2024
  • 8 min de lecture

Dernière mise à jour : 10 août 2024


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Bonsoir les lecteurs


On pourrait se demander pourquoi lire sur un événement qu'on a nous même vécu mais c'est à travers la lecture, la distance que les mots imposent que j'arrive à assimiler certaines choses et à prendre du recul. Lorsque ma mère était vivante et que malheureusement un soldat mourrait elle pleurait et lisait ce que les journaux disaient de lui, sa façon à elle de lui rendre hommage. A Yom Azikaron elle allait aux cérémonies organisées et montait sur la tombe de son ami Jacky. Je l'ai accompagnée plusieurs fois et je n'arrivais pas à intégrer l'importance de la chose. Ce n'est que lorsque j'ai grandi et surtout que je suis devenue mère que tout a pris un sens. Je prends soin de lire chaque nom de victime et encore plus depuis le début de cette guerre c'est à mes yeux un signe de respect et un hommage à la fois. Nos morts sont tellement nombreux que je ne sais même pas comment mon coeur ne se brise pas littéralement. On est à 10 mois de guerre et les chiffres continuent d'augmenter. La vie continue car c'est dans la nature humaine que de continuer de respirer, de mettre un pied devant l'autre et d'aimer. On continue cahin-caha et on trouve notre propre façon de surmonter notre traumatisme. Sans surprise c'est la lecture qui m'aide. Je vous parle ici de mes ouvrages consacrés à la guerre.


Je n'ai pas lu d'une ligne à l'autre les livres en hébreu, je les ouvre, en lis plusieurs pages puis je les repose. Ils me sont plus difficiles que les autres à lire.


Comment ça va pas de Delphine Horvilleur a été ma plus grande déception et source d'énervement. En même temps il commence très mal vu que c'est un poème d'un écrivain palestinien qui ouvre le bal. Mauvais départ mais je m'accroche en me disant qu'il faut donner la chance au produit. Sans doute que si j'avais lu des avis avant j'aurais moins été déçue, j'aurais eu moins d'attentes. Après le poème on se trouve face à des dialogues avec des personnes mortes telles que ses grands parents ou des personnes imaginaires telles que le Machiah ou encore des concepts comme l'antisémitisme. Ok, c'est une idée. Cela dit je trouve qu'on parle beaucoup du passé mais pas assez du 7 octobre et des jours qui ont suivi, encore une fois j'avais des attentes et du coup je ne m'attendais pas à ça du tout. Dans un autre registre, je veux bien concevoir qu'elle se prône humaniste mais j'ai très mal pris ses phrases sur la souffrance du peuple palestinien, aucun véritable mot ou soutien sur ce que nous, israéliens, nous avons vécu. Elle parle de l'antisémitisme en France mais, sans minimiser les actes violents qui s'y sont passés, je m'attendais à ce qu'elle parle de notre 7 octobre à nous. Nous les israéliens. Les premières victimes et je nous mets tous dans le même panier là, ceux du sud, ceux du nord, ceux du centre. J'englobe tout le monde pour qu'on me comprenne bien, que nous ayons été dans nos mamadim, que nous soyons rescapés des massacres à Nova, Ofakim, Nir OZ.., que nous soyons des soldats envoyés au front etc nous sommes les premières victimes du 7 octobre. Je ne suis franchement pas arrivée au stade de ma vie où j'ai la sagesse de penser et dire "oui vous avez souffert comme nous, je t'écoute". Quand j'entends des gens de France me dire en me regardant droit dans les yeux "regardes les manifestations à l'école de ma fille" ou bien "on avait peur de sortir" j'ai envie de hurler non mais oh! De quoi vous me parlez? On a passé des jours dans notre mamad avec une hache, on se barricadait autant qu'on pouvait car des terroristes se baladaient impunément chez nous dans nos villes, ma fille de 10 ans a organisé avec ses camarades de classe des rotations pour aller aux shivah de leur ami dont l'oncle a été kidnappé et sauvagement assassiné par le Hamas (les cousins et la tante ont été kidnappés et relâchés lors du cessez-le-feu). Avant de montrer de la compassion pour la soeur d'une présentatrice télévision qui a perdu la vie j'apprécierais que les non israéliens me demandent comment je vais, comment vont mes enfants, est ce que mon fils arrive enfin à aller aux toilettes seul sans avoir peur d'une alerte aux missiles (azaka), si les maux de ventre de mon ainée ont disparu.. Comme je viens de l'écrire je ne suis pas au stade où je peux écouter et réconforter ceux qui n'ont pas vraiment vécu le 7 octobre. Je ne connaissais le personnage de Holvilleur que de nom et franchement elle ne me donne pas envie d'en connaitre plus. J'avais dans l'idée qu'en tant que représentante d'une religion elle aurait des mots pour apaiser mais ce n'était pas le cas ici. De même, elle se "vante" d'avoir eu le pressentiment de quelque chose quelques jours avant le 7 octobre. A l'office de Yom Kippour elle a prononcé tout un discours sur la mauvaise politique d'Israël qui va conduire à une catastrophe (discours disponible sur Internet). Tout le monde est d'accord pour dire qu'aucun pays ne devrait avoir à dicter à Israël sa façon de réagir aux missiles, de juger si notre réponse est disproportionnée oui? La même pensée s'applique aux juifs de France, ils n'ont pas à nous dicter notre façon de diriger notre pays, d'agir en tant de guerre ou de nous critiquer sous couvert de "Israël est le pays des juifs". Nous sommes un pays avec des lois et des dirigeants, nous sommes là, nous vivons dans toutes nos imperfections et notre volonté de changer les choses ou non. Bref Horvilleur a tout faux pour moi.


Au contraire, Un pogrom au XXIe siècle publié par Le point a été une belle surprise. Pourtant j'y allais avec des préjugés quand j'ai vu qui a écrit la postface (le nom Kamel Daoud ne m'inspirait pas, foutu préjugé) mais ici pas de place au jugement, pas de on doit mettre sur le même plan les palestiniens et les israéliens. Dans cette enquête il y a une vraie volonté de ne pas oublier le 7 octobre 2023, le massacre de juifs parce que juifs (enfants compris), les viols, la volonté d'éradication… Pas d'excuse, pas de "mais" seulement un désir commun de documenter afin de se souvenir parce que le relativisme et le révisionnisme ont fait leur œuvre (malheureusement) très tôt. Après la préface si émouvante qui vraiment a remis les pendules à l'heure on a le droit au récit heure par heure et là j'avoue c'était très dur à lire. J'ai reconnu certains noms d'otages, certains noms de tués et ça m'a renvoyé à toutes ces heures de terreur. J'ai juste eu un sourire (triste tout de même) quand ils ont parlé de Rahel, notre "savta" Rahel qui a réussi à amadouer les terroristes rentrés de force dans sa maison. Vous vous souvenez? Elle est devenue un symbole malgré elle, elle nous a donné de la force quand on pensait que tout n'était que ténèbres. C'est tout de même avec soulagement (car je lisais avec le souffle coupé et les larmes aux yeux) que je suis arrivée à la postface. Kamel Daoud a écrit en sa qualité de journaliste algérien ayant eu à écrire sur la guerre civile algérienne. A l'époque ses mots ont été minimisés, ses yeux ont vu des atrocités qu'on a tenté de faire disparaitre, oublier. Cela vous rappelle quelque chose? Pourtant, il n'a jamais fait profil bas, ce qui lui a valu d'ailleurs d'être la cible d'une fatwa. J'ai trouvé sa postface puissante, importante et inoubliable. Peu m'importe ce qu'il pense du conflit israélo-palestinien, sa seule volonté dans ce livre était de dénoncer l'innommable et de convaincre tout à chacun qu'aucune justification ne devrait être prise en compte. Je vous laisse avec ses mots "La mort enseignait la grande leçon, précise et éclairée. C'était notre avance sur l'Occident, cette lucidité. C'est pourquoi quand advint l'horreur du 7 octobre en Israël, je fus doublement choqué. Doublement piégé. Doublement scandalisé. Doublement muet. Et doublement en colère, jusqu'à perdre les mots."


Le témoignage de Laura Blajman était très dur à lire mais je ne sais pas pourquoi je voulais vraiment le faire. Je me disais que malgré tout ce qu'elle a vécu, tout ce qu'elle a perdu elle a trouvé la force en elle de témoigner. Puis elle a voyagé dans le monde afin de convaincre, de lutter contre l'oubli, contre le négationnisme et contre les justifications monstrueuses qu'on a pu entendre sur les viols, tortures et massacres d'enfants, de femmes, d'hommes, en vrai de personnes de tout âge et tout sexe. J'ai donc pris la décision de saluer ce courage en lisant ses mots. Elle était au festival Nova, elle s'est réfugiée avec son mari et ses amis dans leur caravane lorsqu'ils se sont rendus compte que ce n'était pas "seulement" des missiles qu'on leur tirait dessus. Ils sont restés enfermés pendant près de 10 heures en entendant tout de l'attaque: les tortures, les coups de feu, les hurlements des victimes. Les terroristes ont tenté en vain de rentrer dans leur caravane. Ils ont même tiré dessus sans (miraculeusement) faire de blessé. Son témoignage comme tous les autres est important, on doit continuer de raconter le 7 octobre, raconter pour ne pas que les autres oublient mais surtout raconter pour que nous, les juifs, continuons de nous battre pour notre paix, pour notre pays  Il y a quelques jours j'écrivais en rentrant de France avec mes enfants que depuis le 7 octobre nous vivons, nous rions, nous aimons mais que tout à coup l'atrocité de cette guerre nous revenait dans la gueule comme une vague et qu'il était parfois impossible de reprendre sa respiration. C'est ça notre guerre, notre quotidien. Et cette pensée je l'ai retrouvée dans ses dernières pages. C'est peut être pour cette raison que je me suis sentie proche de Laura, même si je ne la connais pas. Je lui souhaite en tout cas de continuer de propager sa lumière, de continuer d'être la Laura Soleil que ses amis connaissent.


Enfin je vous parle de Nous vivrons de Joann Sfar. Encore un inconnu au bataillon, je n'avais jamais entendu parler de lui. J'avoue n'avoir pas été entièrement convaincue. Dans son roman graphique il mène l’enquête, il parle avec ses amis, invoque son père et son grand-père, il veut savoir: quel avenir pour les Juifs? Il vient en Israël, interroge juifs et arabes bref le monsieur veut savoir. Déjà, il faut savoir que je n'ai pas du tout accroché au graphisme. J'ai trouvé ça brouillon, très mal dessiné (en tout cas ce n'est pas mon style), la police utilisée était incompréhensible au point où je peinais à comprendre ce que je lisais, sans compter les erreurs grammaticales et fautes d'orthographe. Ceci étant il n'a pas non plus gagné mon estime en parlant de son anniversaire le jour des massacres et sa volonté de ne rien annuler. Il écrit "j'ignore si c'est pardonnable", je ne sais pas de qui il a besoin d'obtenir un pardon. S'il écrit cette phrase serait-ce parce que lui-même il ne se sent pas à l'aise de sa décision? A mes yeux c'est surtout une attitude à vomir. Si tu sais qu'un massacre a lieu en ce moment précis et que pour X raison tu te sens touché alors prends ta décision en ton âme et conscience mais ne pense pas ensuite que tu as fauté, sois un homme. Encore une fois ici je dois préciser que personnellement j'ai beaucoup de mal avec les personnes n'ayant pas vécu le 7 octobre et en parlant comme s'ils cherchaient à se l'approprier donc le reste de son récit ne m'a pas touché mais plutôt énervé. Cependant, au moins, il n'a pas cherché à vendre autre chose qu'une interrogation sur l'avenir des juifs de France donc je savais à quoi m'attendre. Enfin quand on arrive à son enquête même je suis moins sur les nerfs. Après tout il a une incontestable volonté de comprendre et surtout il y a un vrai travail journalistique qui pousse à la réflexion. Cela a nettement relevé mon opinion sur l'ouvrage et heureusement car je commençais à me dire que je me suis cassée la tête à ramener un bouquin de 1.400kg pour rien.


Bonne lecture!


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Bonne lecture!


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